Thèbes aux cent portes

 


C’est à Thèbes, « la ville aux cent portes » chantée par Homère, que trônait le roi des dieux Amon, et que les pharaons, dès le Moyen-Empire, bâtirent leurs palais et vinrent trouver après leur mort un éternel repos…  cette prestigieuse Ville du Sud,  la valeur symbolique de ses monuments,  le temps des rois-dieux, Thèbes ou la naissance d’un empire.

Plus de cinq millénaires avant l’époque où nous vivons, existait au bord du Nil (en Haute-Egypte) un humble village, dont rien alors ne semblait permettre de prévoir qu’il deviendrait un jour la capitale du plus grand empire de l’Orient ancien. Le peuple égyptien, formé d’abord d’africains, puis de populations d’origine sémitique vite dominantes, venait de s’adapter à un mode de vie sédentaire, depuis que les hommes avaient appris à maîtriser les crues du Nil, le grand axe de vie unissant le cœur de l’Afrique à la Méditerranée ; désormais les champs riverains du fleuve étaient régulièrement irrigués, grâce à un réseau de canaux dûment organisés. Dès 3200 av. J.-C., Thèbes, ainsi que les autres villages de la vallée, sont les témoins d’une première vie sociale, qui se fixe et se structure ; ils sont établis sur les levées de terre qui longent le Nil, évitant ainsi les dangers éventuels de trop fortes crues ; les huttes rondes sont, le plus souvent, construites à partir de terre argileuse, à laquelle on mêlait des morceaux de calcaire, le tout étant revêtu de roseaux ou de paille. Ainsi, dans ce premier paysage thébain, au cours de cette vie sociale originelle, agriculteurs, pasteurs, pêcheurs et chasseurs vivaient des jours tranquilles, entre fleuve, champs et désert.

 

À six cents kilomètres au nord de Thèbes, une ville prit peu à peu de l’importance : Memphis, située à la pointe du delta du Nil ; vers 3000 av. J.-C., elle devint la capitale du royaume unifié, constitué par l’union de la Haute et de la Basse-Égypte – le « Double Pays » – durant cinq siècles, six dynasties de souverains incontestés y régnèrent : Khéops, Khephren, Mykerinus, Sahourê, puis les Pepi, entre autres, monarques tout puissants.

Durant ce temps, Thèbes se développait et grandissait dans le Sud, notamment après que le pays eut été divisé, pour les besoins de la nouvelle administration centrale, en régions ou provinces (sepat pour les Égyptiens, nomes plus tard pour les Grecs) ; il y en eut trente-huit à l’origine. Thèbes alors devint la capitale du quatrième nome de Haute-Égypte, tandis que le village d’antan devenait une petite ville ; des maisons remplacèrent les huttes des premiers temps – maisons de pisé et de briques dont un petit nombre seulement est parvenu jusqu’à nous, étant donné la fragilité du matériau et l’usure causée par les années. Des administrateurs, véritables princes locaux veillaient, en relation avec le pouvoir central à Memphis, à l’organisation et au développement de la région. La foi religieuse, toujours ardente, avait promu certains dieux issus des croyances d’autrefois : Montou le faucon guerrier – Hathor, déesse-mère à forme de vache, déesse de la joie, de la danse et de la musique. Un peu plus tard venu dans le panthéon égyptien, Amon, d’abord dieu du vent, patron nécessaire des bateliers, demeurera, sous des formes et des attributions diverses, la divinité thébaine essentielle, associée, pendant des millénaires, à la destinée illustre de la Ville du Sud.

Après six siècles d’histoire, vers 2260 av. J.-C., une tourmente politique allait bouleverser le jeune royaume du Nil et mettre en danger la stabilité de l’institution royale. À la fin du règne de Pepi II (VIe dynastie), la crise progressivement éclate, due à la faiblesse du pharaon (après un règne de quatre-vingt-quatorze ans) et aux ambitions politiques des chefs de nomes, qui tendaient à se distraire, dans leurs lointaines provinces, du pouvoir central établi à Memphis, et aspiraient à s’emparer du pouvoir sur le pays entier. Le désordre était immense, le peuple souffrait et souhaitait le retour de l’ordre monarchique, gage de paix et de prospérité. Après plusieurs tentatives passagères de nomarques ambitieux, avides de gérer l’ensemble du territoire qui s’étendait alors depuis la Méditerranée jusqu’en Nubie, ce furent finalement les princes de Thèbes qui assurèrent le rétablissement du royaume d’Égypte, en conquérant militairement le nord de la vallée et en regroupant autour de Thèbes les nomes du Sud. Vers 2160 av. J.-C., les princes thébains Antef créent la XIe dynastie ; trois souverains Antef, auxquels succédèrent les princes Montouhotep, maintinrent avec fermeté l’union du Double Pays. Vers 2000 av. J.-C., Amenemhat, le vizir du dernier des rois Montouhotep, s’empara du pouvoir par un coup d’État, inaugurant la XIIe dynastie ; Thèbes devient alors la capitale du royaume restauré. Pendant près de deux cents ans ensuite, les Amenemhat et les Sesostris vont poursuivre l’œuvre d’unification et le développement du royaume. Avec la première monarchie thébaine, l’Égypte renaît.

 

La fermeté et le souci de réforme et d’innovation des premiers souverains thébains se manifestèrent dans beaucoup de domaines : politique, religieux, artistique. Le monarque, depuis sa capitale méridionale, tiendra solidement sous son autorité les administrateurs locaux qui avaient souvent créé des problèmes. Thèbes demeurera le centre unique, incontestable, du gouvernement de l’Égypte. On reprendra alors les grandes expéditions politico-commerciales vers l’Asie et l’Afrique, nécessaires au développement du pays. Amon deviendra le « roi des dieux », associé souvent, sous le nom d’Amon-Rê, au puissant dieu solaire d’Heliopolis (grand centre religieux du Nord, près de Memphis) ; ce rapprochement divin était un gage de paix religieuse et soutenait idéologiquement l’unité du royaume.

L’architecture évolue : si la forme pyramidale, caractéristique des tombes royales antérieures (voir Giza) se conserve encore accessoirement, Monthouhotep III fera construire pour lui un monument d’un plan nouveau, sur la rive gauche du Nil, à Deir El Bahari, dans un cirque rocheux au flanc de la falaise libyque. Le temple funéraire était étagé sur trois terrasses et dominé par une petite pyramide de vingt mètres de base : le Saint des Saints du temple et le caveau étaient creusés au cœur de la falaise. Monument novateur donc qui, tant par son site d’élection que par certains des éléments de son plan (caveau creusé dans la roche), annonce les constructions à venir des XVIIIe et XIXe dynasties. Ce fut le modèle architectural repris, une soixantaine d’années plus tard, sur le même site (plus au nord) par la reine Hatshessout, tandis que le caveau creusé dans la roche est le prélude des hypogées de la vallée des Rois. Thèbes, capitale politique et religieuse, devient aussi capitale architecturale, dont le grandiose développement s’annonce alors.

 

À la mort d’Amenemhat IV, vers 1 790 av. J.-C., une crise éclate ; le roi ne laissait pas d’héritier majeur et cette carence de la succession royale semble avoir ranimé l’ambitieuse opposition des nomarques provinciaux. D’autre part, l’Égypte, à ce moment, est menacée par des envahisseurs : les Hyksos, peuples sémitiques, chassés de leurs terres anciennes par les invasions de populations indo-européennes qui déferlèrent au Nord, venant du Caucase, vers l’an 2000. Par vagues successives, ils envahirent d’abord l’Asie Mineure, créant de nouveaux États : le royaume du Mitanni (près des sources du Tigre et de l’Euphrate), le royaume du Hatti (sur les plateaux asiatiques, plus à l’ouest), tandis que les Kassites maîtrisaient Babylone. Mais l’Égypte, riche et prospère, demeurait, pour ces peuples nouveaux, le but idéal de leur errance. Les Hyksos installent alors militairement leur domination sur le delta du Nil et la Moyenne-Égypte. Au sud, Thèbes, l’insoumise, résiste pendant plus d’un quart de siècle et finira par chasser les intrus de l’ensemble du territoire national. Le roi Kamosis, libérateur, qui a poursuivi l’ennemi hors des frontières septentrionales du pays, est accueilli à Thèbes, dans la liesse, lors de son retour du Nord : « Chaque visage était lumineux, les rives du fleuve dansaient et Thèbes était en fête ».

Ahmosis, frère du précédent, inaugure la XVIIIe dynastie ; il consolide et agrandit les racines de l’Empire. En moins de cinquante ans, l’Égypte s’affirme comme la première puissance du monde oriental, grâce au courage et à l’intelligence des rois thébains : les Aménophis, les Thoutmosis, les Ramsès (XIXe dynastie). Du cœur du Soudan jusqu’à l’Euphrate de longues et héroïques campagnes militaires vont assurer cette suprématie, conséquence des hauts faits d’armes perpétrés par les monarques venus de Thèbes. Le Mitanni et le Hatti, désireux d’étendre leur pouvoir sur l’Égypte, seront finalement défaits. Cinquante ans de paix, à partir de la fin du règne de Ramsès II, vont clore ce chapitre guerrier et Thèbes sera désormais la prestigieuse cité, maîtresse de l’Orient, la grande ville du Sud, baptisée par Homère « la ville aux cent portes », tant apparurent stupéfiants aux yeux du poète grec le nombre et l’enchevêtrement des monuments sacrés ; sur le site, en effet, pendant deux millénaires, chaque pharaon avait voulu laisser des témoignages pérennes de sa ferveur religieuse.

 

À Thèbes, la vie politique et spirituelle était cantonnée sur la rive droite du Nil : ville et palais royal, temples de Karnak et de Louxor ; la rive gauche du fleuve, au flanc de la colline occidentale, était le lieu des nécropoles et des constructions funéraires.

Karnak est donc un gigantesque ensemble de temples, à la construction desquels ont contribué de nombreuses générations de souverains. Les destructions successives (des Assyriens d’abord, vers 664 av. J.-C., puis de vandales plus modernes) n’ont pu retirer à ce fantastique champ de ruines son émouvante grandeur.

Le site de Karnak comprend trois aires sacrées : au nord, celle du dieu-faucon Montou ; au sud, celle de la déesse Mout, la parèdre d’Amon ; une allée bordée de sphinx relie cette aire méridionale à l’aire centrale, la plus vaste (300 000 m2), qui correspond au domaine d’Amon-Rê. Le temple d’Amon-Rê, à Karnak, bâti sur plan ouest-est, nous enseigne ce qu’était la structure fondamentale d’un lieu saint. Son dispositif d’ensemble d’abord : en un cheminement plus ou moins long, d’ouest en est, on procède du profane au sacré, de la lumière à l’ombre.

Depuis le fleuve, une grande allée bordée de sphinx à tête de bélier – quarante devant le grand temple d’Amon-Rê, le bélier étant l’animal sacré du dieu qui pouvait s’incarner en lui – menait jusqu’au pylône, qui commandait l’accès du temple. Longue et prestigieuse garde divine, Amon-Rê lui-même veillait sur son sanctuaire.

Le pylône était constitué par deux grands massifs de pierre, étirés en largeur, à fruit prononcé, flanquant une porte d’entrée (cent treize mètres de long, quinze mètres d’épaisseur pour le premier pylône du grand temple). La façade du pylône était ornée de mâts en bois, encastrés dans l’épaisseur de la construction ; au sommet de ceux-ci flottaient des banderoles, annonçant de loin, aux pèlerins du désert, la présence attendue du monument sacré. Devant le pylône se dressaient deux obélisques (souvent monolithes), parfois des statues colossales du roi. Sur les pylônes (comme sur les murs extérieurs des temples) des bas-reliefs étaient sculptés qui relataient les hauts faits du souverain, assurant ainsi la pérennité de ses exploits face au peuple et aux visiteurs. (On utilisait pour les rendre plus lisibles, dans la vive lumière du soleil, la technique du relief dans le creux).

Franchissant le pylône, on entrait dans une cour à portiques, de dimensions variables (cent trois mètres sur quatre-vingt-quatre mètres pour celle qui faisait suite au premier pylône du temple de Karnak) – partie publique du temple où la foule pouvait voir le défilé des processions.

 

Dans la salle hypostyle, qui faisait suite à la cour publique, s’accomplissaient les cérémonies rituelles auxquelles ne pouvaient assister que les prêtres et quelques privilégiés. La grande salle hypostyle de Karnak, commencée sous Aménophis III (vers 1400), fut construite et décorée essentiellement par les pharaons de la XIXe dynastie : Seti Ier et Ramsès II (jusque vers 1200) – ouvrage donc de deux siècles environ. Elle mesurait cent deux mètres de long sur cinquante-trois mètres de profondeur ; elle était constituée par cent trente-quatre colonnes colossales. Douze colonnes à chapiteau papyriforme ouvert formaient la nef centrale ; les chapiteaux mesuraient quinze mètres de circonférence (cinquante personnes pourraient y tenir debout ensemble aisément), les colonnes supportaient, par l’intermédiaire de dés, des architraves puissantes qui élevaient le plafond à vingt-trois mètres de hauteur. Cent vingt-deux colonnes à chapiteau papyriforme fermé, moins hautes d’un tiers que les précédentes, formaient les bas-côtés ; des scènes religieuses y étaient sculptées.

 

Enfin, en arrière (à l’est) de cette salle hypostyle se trouvaient les appartements privés de la divinité ; ils contenaient, notamment, son naos, chapelle carrée à toit pyramidal, où la statue sacrée était gardée dans un tabernacle de pierre dure et recevait ses desservants aux trois moments essentiels du jour (matin, midi et soir).

Auprès du temple, se trouvait le lac sacré : évocation des eaux initiales qui recouvraient jadis l’univers incréé et d’où jaillit, au premier jour du monde, de par sa propre volonté, Amon-Rê, le créateur divin. Le lac sacré constituait une réserve potentielle de forces ; de son sein, à chaque aube nouvelle, devait resurgir la création. Les prêtres y trouvaient l’eau nécessaire à leurs ablutions ; des cérémonies rituelles s’y déroulaient suivant un calendrier consacré.

L’ensemble des bâtiments était entouré d’une vaste enceinte de briques ; des portes en grès étaient percées axialement.

 

Une allée bordée de sphinx relie, sur deux kilomètres et demi, Karnak à Louxor. Sur ce site, le temple est essentiellement l’œuvre d’Aménophis III (vers 1400) ; Ramsès II (à partir de 1300) l’agrandit ensuite. Il comporte deux pylônes et deux cours. L’architecture est élégante, notamment celle de la grande cour (cinquante-deux mètres sur quarante-huit), avec sa double rangée de quatorze colonnes campaniformes en grès (hauteur : 10,80 mètres, circonférence : 9,80 mètres), constituant un hall magnifique où s’arrêtaient les processions avant d’entrer dans le temple.

Il ne faut point se représenter les grandes aires divines de la ville de Thèbes antique telles qu’elles nous apparaissent maintenant, squelettes de pierre des monuments d’antan. À Karnak, comme à Louxor, or et pierres précieuses recouvraient les constructions sacrées : l’or, considéré comme la chair des dieux, le lapis lazuli, la cornaline, la turquoise, l’argent brillaient de tous leurs feux, compléments de la lumière céleste. De loin, dans le désert, pèlerins et voyageurs apercevaient cet immense étincellement et hâtaient le pas vers « la maison d’Amon-Rê », radieuse et proche.

 

 

Depuis l’avènement de Thèbes au rang de capitale d’Empire, les monuments de l’architecture funéraire royale se trouvent désormais groupés sur la rive gauche du Nil, face à Karnak et à Louxor.

En fonction du site nouveau, constitué d’abord par les champs en bordure du fleuve, puis par le désert que limite la haute falaise libyque occidentale, le dispositif des constructions évolue. Près de la vallée, à la lisière des terres cultivées, s’élève le temple funéraire (dit « château des millions d’années ») qui associe désormais la destinée royale à celle des grands dieux ; son plan et sa décoration sont analogues à ceux des temples divins. On y dessert le roi, Amon-Rê et les divinités de l’au-delà.

Le Ramesseum, temple funéraire construit par Ramsès II (vers 1260), comprend deux pylônes, deux cours, une grande hypostyle (quarante et un mètres sur trente et un) dont vingt-neuf colonnes sont encore debout. Le premier pylône est sculpté de nombreuses scènes militaires, décrivant notamment la victoire du roi sur les Hittites, à Kadesh.

Plus au sud, à Médinet-Habou, le temple funéraire de Ramsès III, construit vers 1180, est le plus grand que l’on connaisse. Il présente le même dispositif qu’au Ramesseum, mais la porte d’entrée est constituée par une tour de type syrien (un migdol), haute de dix-huit mètres, au sommet crénelé, qui évoque les victoires du grand souverain.

À l’ouest, dans un oued desséché et grandiose, appelé Biban-el-Molouk (« vallée des Rois »), borné par la falaise de l’Occident – protection naturelle de la tombe qui y est creusée – se trouve l’hypogée royal, de plan simple : un long couloir en pente douce descend jusqu’à un puits vertical qui plonge dans le caveau ; on aboutit à une salle double ; la seconde, orientée vers le nord, contenait le sarcophage royal. Ces hypogées étaient en fait de véritables palais souterrains, la longueur des couloirs dépassant presque toujours cent mètres. Couloirs et chambres étaient décorés de peintures évoquant la régénérescence solaire du souverain. À partir de Thoutmosis Ier (vers 1530), la vallée des Rois accueillit les rois défunts.

 

Un peu plus au sud, la vallée des Reines regroupe, dans des tombes analogues, les reines et ceux des princes royaux décédés très jeunes. Celle de la reine Néfertari, l’épouse favorite de Ramsès II, est l’une des plus belles de la nécropole par ses dimensions et surtout par l’élégance des formes peintes et leur finesse.

De nombreuses nécropoles privées (demeures d’éternité des hauts personnages de la Cour) s’échelonnent encore du nord au sud ; on en a dénombré plus de quatre cents. On retrouve la même association : puits et caveau en sous-sol, chapelle creusée dans le flanc de la falaise.

Entre les temples funéraires alignés dans la plaine occidentale de Thèbes et la vallée des Rois, on peut encore voir les ruines du village de Deir-el-Medineh, où vivaient les artisans et les ouvriers de la nécropole.

 

Après son apogée à l’époque du Nouvel-Empire, la ville, capitale du plus grand Empire d’Orient durant plus de mille ans, va vivre une progressive décadence, due au contact nouveau avec les jeunes princes du monde extérieur tandis que demeurent encore les ambitions politiques des nobles locaux de la vallée (au nord notamment).

À la mort de Ramsès XI, vers 1085 av. JC, le général Herihor, devenu premier prophète d’Amon, crée, dans le sud, une théocratie qui fait de la Thébaïde une province pratiquement indépendante dirigée par des rois-prêtres. Au nord, Psousennès installe la « capitale » de la XXIe dynastie à Tanis, dans le delta du Nil. Thèbes, la lointaine, ne joue plus qu’un rôle secondaire.

 

Bientôt les Libyens, déjà implantés dans l’ouest du delta, conquièrent le pouvoir monarchique, établissant les XXIIe et XXIIIe dynasties à Bubastis, puis à Tanis. C’est le moment où Sheshonq, le pharaon bubastite, pilla à Jérusalem les trésors du temple de Jahveh et ceux du palais de Salomon ; en souvenirs, il fit ériger un grand portique de grès à Karnak, sur lequel il fit sculpter la liste des villages d’Edom, de Juda et d’Israël qu’il détruisit.

Vers 730 av. J.-C., la Nubie, sujette jusque-là de l’Egypte, s’empara à son tour du royaume millénaire. Piankhy, premier pharaon soudanais, gouverna la vallée du Nil depuis sa lointaine capitale africaine de Napata. Mais les princes du Nord entretiennent toujours une anarchie qui permettra, vers 664, aux redoutables Assyriens d’occuper momentanément le delta et, au sud, de mettre à sac la grande cité thébaine, détruisant temples et palais dont les ruines demeurent. Psammétique Ier et II, souverains de la XXVIe dynastie dont la capitale Sais était dans le delta, éliminèrent les petits « souverains » régionaux, rejetèrent le protectorat assyrien, repoussèrent les Nubiens jusqu’au cœur de leur royaume, rendant ainsi à l’Egypte indépendance et prospérité. Mais les conquérants perses (XXVIIe dynastie – Cambyse, Darius, Xerxes) entreprirent alors d’annexer l’Égypte à l’Empire achéménide.

Les dernières dynasties indigènes (XXVIIIe-XXXe) rendirent au pays quelque liberté mais en gouvernant toujours depuis le delta. Thèbes ne renaîtra pas, tandis que les Grecs et les Romains s’installeront sur les bords du Nil. L’Égypte est définitivement entraînée vers ses destins méditerranéens. Thèbes, de nos jours, est la première capitale touristique du monde, offrant toujours aux visiteurs les témoignages somptueux d’un prestigieux passé.