MYTHE  DE L'ECRITURE

 

C'est le dieu Thot, "scribe parfait aux mains pures" qui transmit les hiéroglyphes aux hommes.
L'histoire raconte que, blasé et las des hommes, le roi des dieux Rê avait quitté l'Egypte et confié à Thot la tâche d'enseigner aux hommes les "paroles sacrées".
"Ecoutez-moi tous, je suis à ma place dans le ciel, autant que je le peux, je veux que ma lumière brille dans l'autre monde... Et toi, tu seras mon scribe ici, tu maintiendras la justice parmi les gens de ce monde. Tu prendras ma place, tu seras mon substitut. Ainsi, tu seras appelé Thot, le substitut de Rê."

C'est ainsi que sur les ordres de Rê, les hommes avaient reçu de Thot les hiéroglyphes, qui devaient leur permettre l'appropriation de toute sagesse.

Thot règne sur les arts de l'écriture, de l'arpentage, de la médecine, de la mathématique, de l'astronomie. Patron des scribes, on le trouve représenté sous l'apparence d'un homme à tête d'ibis ou de babouin. Il est chargé de vérifier la justesse de la balance du tribunal d'Osiris, lors de la pesée des âmes. Il est aidé par son épouse Seshat, la maîtresse des livres, qui gère les archives, rédige les chroniques des rois, inscrit leurs noms et leurs exploit sur les feuilles de l'arbre de la vie du temple d'Héliopolis.

Décrit dans "Le livre des morts" comme "le scribe parfait aux mains pures", Thot est plus qu'un dieu créateur, il est le verbe même du dieu créateur. "Je donne le souffle à celui qui demeure dans le monde caché grâce aux paroles magiques qui sortent de ma bouche, afin qu'Osiris triomphe de ses adversaires."

                                     

 

Hymne à Thot
"Salut à toi, Lune, Thot, Taureau en Hermopolis, qui résides à Herset, qui ouvres le château des dieux, qui as connaissance des secrets et fixes leur expressiosn, qui sais distinguer un discours de son semblable, le juge de chacun, dieu au regard pénétrant dans la barque de millions d'années, le rapide messager de l'humanité, qui connais l'homme selon sa parole, qui fais se dresses l'action mauvaise contre son auteur, qui satisfais Rê, t'élèves vers le seigneur unique et fais qu'il ait connaissance de tous les événements. Lorsque blanchit la terre, il appelle dans le ciel, il ne néglige pas le rapport de demain".

Le babouin et l'ibis sont les deux visages du dieu Thot
Le babouin accueille le lever du jour de ses cris, c'est pourquoi les égyptiens l'associent au culte solaire. Il en vient ainsi à incarner ceux qui honorent les lumières de la connaissance. La statuaire le représente toujours assis ou accroupi, le sexe dressé.
L'ibis fouille le sol de son long bec pour se nourrir. Appelé "calao" chez les Sénoufo de Côte d'ivoire, il est représenté dans la sculpture par un oiseau enceint des signes d'écriture. Le bec, assimilé au pénis ou au calame, pénètre le ventre volumineux au milieu duquel est peint un sexe féminin. La recherche de nourriture et l'extrémité de son long bec dans le limon suggèrent le mouvement du calame lors de l'acte d'écriture.
La fécondation de la pensée par l'écriture est comparée à la procréation humaine ou animale. Singe de roches et oiseau des marais fouillent tous deux dans le sol, l'un du bout des doigts, l'autre du bec, y laissent des traces et évoquent le geste d'écrire.

 


Si l’écriture égyptienne ne renonça jamais à la représentation symbolique des choses et des êtres, c’est parce que les Égyptiens croyaient à l’efficacité magique des hiéroglyphes. Ils pensaient qu’ils pouvaient faire vivre ce qu’ils peignaient par l’image aussi sûrement que par la parole créatrice, et le faire vivre pour l’éternité. Ainsi le nom d’un homme inscrit en caractères hiéroglyphiques contenait-il son identité ; détruire ces caractères, c’était réduire cet homme à néant. On attribuait aux figures d’êtres animés de certaines inscriptions le pouvoir de nuire et de mener une vie indépendante, on craignait qu’ils ne consomment les offrandes alimentaires destinées au défunt ou n’attaquent le corps lui-même. C’est pourquoi il arrivait que les têtes des serpents soient délibérément omises ou le corps des oiseaux tronqués… Mais d’autres hiéroglyphes étaient supposés bénéfiques, ils servaient d’amulettes et apportaient la chance à leurs propriétaires. Le signe "horizon" par exemple, montrant le soleil en train d’émerger d’une montagne, permettait au défunt de s’associer à la renaissance de l’astre et donc de renaître lui-même.

L’écriture n’était donc pas pour les Égyptiens un simple outil de communication linguistique, elle était un chemin d’accès à l’éternité et manifestait les mystères de l’univers cachés dans l’image comme dans le nom. C’est pourquoi elle pouvait aider le mort à vaincre les périls du voyage dans l’au-delà et lui servir de guide, comme en témoignent nombre d’inscriptions religieuses enfermées dans les appartements funéraires des tombeaux.

 

Toutefois, si l’écriture a joué un rôle immense dans la vie de l’Egypte ancienne, il semble établi que seule une élite restreinte avait accès à la lecture des textes et à la pratique de l’écriture.

Selon des estimations récentes, moins de un pour cent de la population aurait été "alphabétisée" dans l'Egypte ancienne. Aussi le fait de savoir lire et écrire conférait-il un statut envié et pouvait-il conduire aux charges les plus élevées. La place de scribe était une place recherchée mais difficile à atteindre : il fallait en effet douze années pour devenir scribe ! Écrivain et comptable, il veillait au cadastre, à la perception des impôts, à la prestation des corvées. Mais surtout, par l’écriture, il s’assurait l’immortalité.

« Sois un scribe, et mets ceci dans ton cœur pour que ton nom ait le même sort : plus utile est un livre qu’une stèle gravée ou qu’un mur solide. Il tient lieu de temple et de pyramide, pour que le nom soit proclamé.
L’homme périt, son corps redevient poussière, tous ses semblables retournent à la terre, mais le livre fera que son souvenir soit transmis de bouche en bouche. »