CONTES ET LEGENDES DES PHARAONS

 

LE LOTUS ET LE PAPYRUS

Aux temps où nos ancêtre croyaient que les hommes, après leur mort, se réincarnaient dans un animal, une plante, ou un arbre, vivait dans un bois ombreux des bords du Nil un vieux jardinier. Auprès de sa demeure, il avait un jardin qui débordait des plus belles fleurs et embaumait des parfums les plus doux. Il y poussait des palmiers, des vignes, des oliviers, des figuiers, des cyprès, des oranger et des grenadiers. Tout ce dont Rê le tout-puissant a gratifié la terre d'Egypte y poussait et y fleurissait. Le jardinier cultivait son jardin depuis cent ans, il pleurait 3 épouses, mais Rê le tout-puissant lui conservait la vie. On eût dit que la mort l'avait oublié. Pourtant, le vieillard aurait aimé connaître une autre vie. Sa dernière épouse lui avait donné 2 filles. Elles étaient si belles qu'on en parlait loin à la ronde et que les prétendants se succédaient dans leur demeure. La renommée des belles jeunes filles parvint jusqu'à la cour du glorieux pharaon. Si bien qu'un jour les courtisans du pharaon se présentèrent à la chaumière du jardinier pou voir ses filles. dès qu'ils les eurent aperçues, ils prièrent le vieillard qu'elles puissent les suivre à la cour du pharaon où elles deviendraient les servantes de son épouse. mais les jeunes filles étaient heureuses dans leur univers fleuri et elles s'occupaient avec tendresse de leur père qui leur enseignait son art. Nul ne sait comment s'y prit le vieux jardinier pour expliquer aux envoyés de pharaon que ses filles resteraient avec lui. Ceux-ci s'en retournèrent, très étonnés que le vieillard ait repoussé une pareille chance. D'autres étaient venus vers eux, les avaient priés et auraient tout donné pour que leur filles soit reçu à la cour.

Vint l'automne, c'est le temps où le Nil quitte sont lit et couvre de ses eaux les rives et les champs. la crue signifie abondance et richesse pour le pays. Cette année, par malheur, le Nil déborda peu. La population invoqua Rê, le priant d'alimenter les sources du fleuve, mais ce fut sans succès. Le Nil ne grossit pas d'un pouce. Les prêtres expliquèrent aux paysans que Khnoum le fils de Rê, dont le séjour est sur le Nil, désirait que les hommes lui fissent des offrandes. Les prêtres et les savants décidèrent qu'il fallait offrir o Khnoum une jeune fille, la plus belle qu'on pût trouver dans la vallée du Nil, pour qu'il redonne aux hommes ses bienfaits. Ils se souvinrent du vieux jardinier qui avait osé refuser de laisser venir ses filles à la cour. Cette fois, il ne pourrait se dérober. Ils vinrent donc chez le vieillard et emmenèrent la plus jeune de ses filles. L'aînée courut derrière eux et les supplia de la laisser accompagner sa soeur. Le vieux jardinier suivait, en gémissant, le sinistre cortège. Le peuple déjà, s'était rassemblé sur la rive. Au sommet d'un rocher qui dominait le Nil, les prêtres et les sages chantaient un hymne à la gloire de Khnoum : Salut à toi, O Khnoum, grand et puissant ! Et le choeur des gens rassemblés reprenait l'hymne.

Les prêtres et les sages répétèrent 3 fois leur chant de grâce, étendirent leurs mains au-dessus du fleuve, puis ils restèrent immobiles, comme pétrifiés. La fille cadette était étendue sur une saillie du rocher et sa soeur la serrait dans ses bras. Le grand prêtre s'approcha d'elle, leva son bras vers le ciel et reprit ses incantations. Puis,  s'avancèrent des esclaves pour porter la jeune fille au bord du rocher. Mais, voyant que les 2 soeurs étaient mortes, ils s'arrêtèrent. Ils n'observèrent pas 2 petites pousses vertes qui étaient apparues parmi les pierres. Le peuple se dispersa. Les prêtres et les sages quittèrent, à leur tour la place. Le puissant Khnoum a accepté l'offrande ! criait le peuple. Le jardinier emporta dans son jardin les corps de ses 2 filles et les enterra, portant sa douleur. Il planta sur leur tombe les plus belles fleurs de son jardin. Quel ne fut pas son étonnement quand, le lendemain matin, il vit sur la tombe de la plus jeune une fleur qu'il ne connaissait pas ! Blanche comme la neige, elle semblait être un grand lys.

De partout, on vint pour s'incliner avec respect devant cette fleur inconnue. Les sages vieillards lui donnèrent le nom de lotus. Sur la 2e tombe, celle de l'aînée, poussa une jolie plante qui ne portait pas de fleurs, mais une couronne de clair feuillage. Les sages lui donnèrent le nom de papyrus. De ses feuilles, ils firent des rouleaux sur lesquels il consignèrent leurs écrits.

 

 

UNE JOURNÉE DANS LA VIE D'AMENHOTEP ET DE SENAB (- 1500 avant J.C.)

 Le disque solaire se hissait paresseusement au-delà de la falaise, à l'est, tandis que les premiers appels retentissaient dans l'enceinte du temple. Amenhotep, surpris dans son sommeil, enfila rapidement son pagne et se précipita vers la salle de la Maison de Vie. En pénétrant dans la pièce où étaient gardés les précieux papyrus des prêtres, il aperçut son ami Sénab, sa tablette de scribe à la main.

- Te voilà bien matinal ! lança Amenhotep, esquissant un léger sourire à son jeune ami d'enfance.

- N'oublie pas que Thot me surveille, répliqua Sénab. Je ne suis pas comme toi un scribe officiel d'Ipet-sout. J'ai encore beaucoup à apprendre, même si je maîtrise l'écriture des signes.

Amenhotep travaillait au temple d'Amon depuis 7 ans environ. Il était devenu scribe à l'âge de 12 ans et après quelques années d'entraînement, on lui avait confié l'importante tâche des inventaires du grand temple d'Amon.

- Je suis très heureux que le grand-prêtre ait accédé à ma demande pour que tu sois rattaché avec moi aux archives. De cette façon, je pourrai graduellement t'initier à notre merveilleux métier et, ainsi, parfaire ta formation. Dans quelques années, tu pourras devenir à ton tour scribe officiel d'Ipet-sout !

 Amenhotep fit signe à son ami de le suivre, tandis qu'il retirait l'un des papyrus des casiers qui longeaient l'un des murs de pierre de la pièce. Il le déroula avec délicatesse puis montra du doigt les colonnes qui avaient été dessinées à l'encre noire sur la surface.

- Notre travail consiste à dresser des listes, confia Amenhotep. Nous préparons d'abord les papyrus et lorsque nous faisons le tour des installations du temple, nous inscrivons dans les colonnes les objets qui se trouvent dans les divers bâtiments. La dernière colonne sert à décrire l'état des objets : si l'un d'entre eux est brisé, nous l'indiquons.

 - Je croyais que j'allais copier des textes, répliqua Sénab, un peu étonné. Je n'ai jamais vu un tel document !

- Tous les scribes de la Maison de Vie ne sont pas copistes, tu sais ! Bien au contraire. Dresser des inventaires permet de connaître les biens d'Amon et d'assurer leur entretien lorsque nécessaire. C'est une opération de la plus haute importance. Aujourd'hui, nous devons visiter les magasins. Le grand-prêtre désire connaître l'état de nos réserves en métaux et en nourriture. Je crois qu'il prépare la grande fête d'Opet.

Sénab écoutait avec attention les diverses indications fournies par son ami. Tout semblait soudainement irréel. Il se trouvait maintenant au coeur de la demeure du dieu Amon, le père de Pharaon. Il pouvait facilement y circuler, voir et toucher de près ce qui en faisait la beauté et la grandeur. Il en ressentit tout à coup une grande fierté.

La tournée minutieuse des magasins et des entrepôts allait nécessairement durer plusieurs jours. La richesse d'Amon était colossale et la générosité de Pharaon semblait sans fin, surtout en ces années de conquêtes et de victoires.

 Amenhotep replaça le papyrus dans son casier puis se tourna vers Sénab :

- Prends cette tablette stuquée et partons. Nous avons beaucoup à faire aujourd'hui.

- Nous n'utilisons pas le papyrus pour inscrire les données ? demanda Sénab, un peu perplexe.

- Cette tablette suffira pour l'instant. Au retour, nous transcrirons les informations sur le papyrus.

Les deux jeunes scribes se dirigèrent dès lors vers la zone du lac sacré, au Sud du temple, près duquel étaient érigés les magasins de briques crues. Tout autour, les ouabs de service s'affairaient, certains transportant de la nourriture pour le cérémonial du matin, d'autres se dirigeant vers les bureaux des grands-prêtres. Non loin de là, les artisans au service d'Amon gagnaient leurs ateliers. En s'approchant de l'un des magasins, Sénab ne put s'empêcher de sursauter.

- L'or du dieu ! C'est l'or du dieu !

- Il vient de Nubie, déclara Amenhotep tout en éclatant de rire devant la naïve réaction du jeune apprenti. Prépare ton encre, Sénab. Nous allons compter les lingots.

Sénab s'assit par terre, à l'entrée du magasin, puis il jeta quelques goûtes d'eau sur la pastille d'encre noire de sa tablette de scribe. Tandis qu'Amenhotep achevait le décompte des lingots, Sénab saisit son calame et s'apprêta à écrire. " 127 ", lui dit son ami. Sénab inscrivit le chiffre sur la surface stuquée de la tablette à écrire, à côté de l'expression " lingot de Nubie ".

- Ajoute que les artisans sont à fabriquer deux vases dont le poids total est de 5 débens. De la sorte, nous aurons tous les détails.

Les deux scribes passèrent ainsi de magasin en magasin, évaluant, comptant, notant toutes les informations concernant les divers métaux entreposés au temple : cuivre, étain, plomb et argent. Vers l'heure du repas de mi-journée, Amenhotep regarda vers le ciel et dit :

- Rê est à son zénith. Je crois que c'est le moment d'aller manger un petit quelque chose. Pour fêter ta première journée officielle, je t'emmène à la maison de bière. Cela te va ?

Sénab ouvrit tout grand ses yeux, ne pouvant cacher son plaisir :

- Et dire que nos maîtres nous interdisaient si fortement de fréquenter ces lieux ! Ils craignaient que nous délaissions l'étude pour les plaisirs de la bonne bière ! Est-ce à dire que nous avons terminé notre travail ?

- Certes pas ! répondit Amenhotep. Par contre, nous avons fourni un double effort ce matin. On prendra donc quelques heures de congé.

- Tu ne seras pas embêté ? interrogea Sénab.

- Pas du tout ! Je suis tout de même surintendant des scribes des archives ! C'est moi qui commande. Dès lors...

Sénab ne put s'empêcher de se rappeler certaines lignes de l'un des textes sur lequel il avait longuement bûché alors qu'il apprenait l'art de l'écriture cursive. Un texte dédié aux scribes, soulignant les avantages que leur procurait leur position privilégiée auprès du pharaon et des dieux.

Sois scribe ! Cela te sauvera des taxes et te protégera de tous les travaux. Cela t'épargnera de porter la houe et la pioche, de sorte que tu n'auras pas à transporter le panier. Cela t'évitera de manier la rame et t'épargnera des tourments, n'étant pas sous la coupe de nombreux maîtres ou sous la coupe de plusieurs chefs.

Quant à tous ceux qui exercent un métier, le scribe en est le premier. C'est le scribe qui établit la taxation de la Haute et de la Basse Égypte; c'est lui qui reçoit d'eux (les montants dus) ; c'est lui qui tient le compte de tout. Tous les soldats sont dépendants [de lui]. C'est lui qui conduit les fonctionnaires en présence (du roi), plaçant chacun à ses pieds. C'est lui qui commande au pays tout entier, toutes activités étant sous son autorité.

Sénab commençait maintenant à en saisir toute la pertinence...

 

L'ILE ENCHANTEE

Un émissaire du pharaon en Nubie se plaignait à un marin de l'échec de sa mission, car son bateau s'en retournait vide de tous les produits que le souverain attendait : bois précieux, ivoire, épices parfumées, légères plumes d'autruche.

Le marin entreprit de le consoler : pourquoi s'affliger alors que l'équipage repartait sain et sauf? Il eût été pire de perdre des vies humaines, comme cela lui était arrivé. Le marin commença alors à raconter son histoire.

Avec ses compagnons de voyage (ils étaient en tout cent vingt), il navigait sur la mer Rouge à bord d'un grand bateau de 60 mètres de long et 40 mètres de large, parfaitement équipé et en mesure d'affronter n'importe quelle mer et n'importe quel vent. Mais à l'improviste une tempête les avait surpris et le bateau avait coulé avec tout son équipage : lui seul avait réussi à se sauver, et le courant l'avait porté sur la plage d'une île déserte. Il était resté caché trois jours durant puis, poussé par la soif, avait commencé à explorer l'intérieur de l'île. Celle-ci s'avéra être un véritable paradis terrestre : arbres chargés de fruits, légumes, poissons et oiseaux qui lui fournissaient leur chair succulente. Après s'être rassasié, le marin avait alllumé un feu pour remercier les dieux, lorsque soudain sortit de la forêt un gigantesque serpent au corps d'or, à la longue barbe et aux sourcils de lapis-lazuli.

Le monstre, qui était magique et donc avait le don de la parole, eut pitié du marin terrorisé et, l'ayant pris délicatement dans sa gueule, il l'emporta dans sa tannière. Là, le marin lui raconta son aventure et la fin tragique de ses compagnons. A son tour, le serpent commença à lui raconter sa propre histoire, tout aussi triste. Sur cette île enchantée (que le serpent appelait île du ka) vivaient voici fort longtemps soixante-quinze serpents, dont tous les membres de sa famille. Un jour, une étoile de feu tomba du ciel, les tuants tous : lui seul survécut, triste et désespéré de la mort de tous les autres. Mais il prédit au marin que son sort serait moins dur : en effet, quatre mois plus tard un bateau aurait accosté sur l'île et l'aurait ramené chez lui sain et sauf.

Heureux de cette bonne nouvelle, le marin promit au serpent qu'une fois de retour en Egypte il parlerait à tous de sa bonté envers les étrangers. Comme annoncé, quatre mois plus tard un navire aborda l'île. Le serpent y fit charger tout ce que l'île offrait de beau et de bon : défenses d'ivoire, huiles parfumées, essences précieuses, myrrhe, khôl, singes et lévriers. Lorsque le marin arriva en Egypte, le pharaon fut si impressionné par les richesses que lui rapportait le marin qu'il le nomma son conseiller personnel et lui fit don de nombreux esclaves.

DJADJA-EM-ANKH : LE POUVOIR DE L’EAU

Un jour, le roi Snéfrou s'ennuyait dans son palais. Pour se distraire, il fait appeler djadja-em-ankh son grand prêtre lecteur.
En Egypte ancienne, ce titre signifie "celui qui porte le livre rituel" ; en d'autres termes, le fonctionnaire chargé de tenir les papyrus aux cérémonies, le plus souvent religieuses ou funéraires. Djadja-en-ankh, en tant que magicien de la cour, est chargé de réciter les formules secrètes inscrites sur la feuille de papyrus qu'il déroule. Snéfrou demande au magicien de le distraire. Djadja-em-ankh suggère au roi d'aller se promener au bord du lac du palais, où la beauté du paysage et les oiseaux sauvages pourront le distraire. Il propose de demander aux plus belles femmes du harem royal d'évoluer en barque pour le roi. ravi, celui-ci convoque aussitôt 20 jeunes femmes parmi celles qui n'ont encore jamais enfanté. Coiffées d'une multitude de nattes fines, la beauté de leur visage s'accorde à celle de leur corps, tout en courbes prometteuses. le roi exige qu'elles portent, à la place de leur robe de lin habituelle, un simple filet de perles de faïence. Leurs avirons sont dorés à l'or fin. Le monarque s'émerveille de tant de beauté. Soudain, l'une des jeunes femmes perd un pendants de turquoise qui orne sa chevelure. Le bijou de qrande valeur tombe à l'eau. elle cesse alors de ramer pour le chercher, et la barque s'immobilise. Snéfrou offre aussitôt de remplacer le bijou perdu pour que le spectacle reprenne. La jeune répond par une expression populaire : "Je préfère ma quincaillerie à la votre", voulant dire par là, que rien ne remplacera sa pierre. Irrité, le roi déclare au magicien qu'il est responsable de la situation et doit trouver une solution. Djadja-em-ankh obtempère et récite une formule magique (qui ne figure pas dans le papyrus). A ces mots la moitié des eaux du lac, profond d'environ 6 mètres, s'élève pour former un mur de 12 mètres de haut. le fond se découvre, laissant apparaître le bijou. djadja-em-ankh va le charcher et le rend à la jeune femme. par une autre formule, il rend au lac son aspect habituel. tous ces évènemment donnent prétexte à une fête, et djadja-em-ankh le magicien est bien récompensé.

LES NAISSANCES MIRACULEUSES

Le mythe du roi-dieu fut très tôt élaboré par la pensée égyptienne. Ses aspects, multiples, satisfaisaient, d'une part, une conscience religieuse particulièrement fervente, d'autre part un attachement profond à l'idée monarchique : les conditions géographiques naturelles du pays exigeaient, en effet, pour garantir une vie sociale et économique harmonieuse, un pouvoir central fort. L'origine et la naissance de Pharaon, d'abord, relèvent de ce mythe. Le dieu culminant du panthéon - Rê ou Amon suivant l 'époque - s'incarnait parfois naturellement dans une femme (l'épouse d'un prêtre parfois, beaucoup plus souvent la reine) pour donner la vie au futur roi ; l'ascendance divine de celui-ci légitimait son pouvoir, sans contestation possible, sur le peuple d'Égypte. Cet acte, sacré à l'origine, connut de nombreuses « utilisations » politiques : certaines difficultés dynastiques, ou certaines usurpations, trouvèrent ainsi, avec l'appui du clergé en cause, une solution satisfaisante. C'est en Égypte que ces légendes mythiques sur l'origine sacrée du roi connurent leur plus grand accomplissement.

Un jour, il arriva que Redjedet fût prise de douleurs, son accouchement était difficile. Alors la Majesté de Rê, seigneur de Sakhebou, dit à Isis, Nephthys, Meskhenet, Heket et Khnoum  : « Hâtez-vous donc, afin d'aller délivrer Redjedet des trois enfants qui restent en Son sein et qui, dans l'avenir, exerceront cette illustre et bienfaisante fonction dans ce pays tout entier ; ils bâtiront les temples de vos villes, ils approvisionneront vos autels, ils enrichiront vos tables à libations, ils augmenteront la quantité de vos divines offrandes.»

Alors ces déesses partirent, après avoir accompli leur transformation en danseuses ; Khnoum  était avec elles, chargé du bagage. Elles atteignirent la maison de Ouserrê, et le trouvèrent, le pagne en grand désordre ; elles firent pour lui alors une offrande musicale avec leurs colliers menat et leurs sistres ; il leur dit : « Mes nobles dames, voilà que ma femme souffre, car son accouchement est difficile. » Elles lui dirent : « Permets que nous la voyions, car nous savons effectuer une délivrance. » Il leur dit : « Allez donc » ; elles pénétrèrent alors auprès de Redjedet, et fermèrent la chambre autour d'elle. Isis  se plaça en face de Redjedet, Nephthys  derrière elle, cependant que Heket accélérait la naissance. Isis  prononça ces paroles : « Ne sois pas trop puissant en son sein, en ce tien nom de Ouserkaf » ; cet enfant glissa alors sur les mains d'Isis , un enfant long d'une coudée : ses os étaient durs, ses membres étaient revêtus d'or, sa coiffure était en lapis-lazuli véritable ; elles le lavèrent, après avoir coupé son cordon ombilical, et le placèrent sur une étoffe de lin, en guise de coussin ; Meskhenet s'approcha de lui, disant : « Voici un roi qui exercera la fonction royale dans ce pays tout entier », cependant que Khnoum rendait ses membres vigoureux. (Le même rituel et les mêmes paroles sont répétés de manière absolument identique pour les deux autres enfants, Sahourê et Neferirkarê 2e et 3e rois de la Ve dynastie. Puis ces déesses sortirent, après avoir délivré Redjedet des trois enfants. « Que ton coeur soit heureux, Ouserrê, voilà que trois enfants ont été mis au monde pour toi. » Il leur dit : « Mes nobles dames, que puis-je faire pour vous ? Ah ! Donnez donc ce sac d'orge à votre porteur de bagage, prenez-le pour vous afin de pouvoir négocier de la bière », et Khnoum  se chargea du sac. Elles se rendirent alors au lieu d'où elles étaient venues, lorsque Isis leur dit : « Mais qu'est-ce là, nous voici revenues sans avoir accompli de choses merveilleuses pour ces trois enfants, des choses que nous aurions pu raconter à leur père, qui nous a dépêchées. » Alors elles façonnèrent des couronnes de Seigneur Vie-Santé-Force, et elles les placèrent dans le sac d'orge ; elles firent venir dans le ciel le vent et la pluie, puis retournèrent vers la maison de Ouserrê, disant : « Placez ici ce sac d'orge, dans une pièce bien close, jusqu'à ce que nous revenions de danser du nord » ; et elles placèrent le sac dans une pièce bien close.

Redjedet se purifia pendant une période de quatorze jours. Puis elle dit à sa servante : « Est-ce que cette maison est suffisamment approvisionnée ? » - la servante dit : « Elle est pourvue en toutes sortes de bonnes choses, excepté en vases, on n'en a pas apporté. » Redjedet dit alors : « Pourquoi donc n'a-t-on pas apporté de vases ? » - la servante : « C'est qu'il n'y a pas de quoi faire [de la bière] ici, mis à part le sac de ces danseuses, qui se trouve dans une pièce qu'elles ont scellée. »

Alors Redjedet dit : « Va, apporte [de l'orge] de ce sac, Ouserrê leur rendra l'équivalent lorsqu'elles seront revenues. » La servante se hâta ; elle ouvrit la chambre, alors elle entendit dans la pièce un bruit de louange, de chant, de danse et d'acclamation, tout ce qui est fait d'habitude pour un roi. Elle se dépêcha d'aller répéter à Redjedet tout ce qu'elle avait entendu ; celle-ci parcourut alors la pièce en tous sens, ne trouvant pas le lieu d'où ce bruit provenait ; lorsqu'elle posa sa tempe sur le sac, elle comprit que cela était produit à l'intérieur de celui-ci. Elle plaça alors le sac dans un coffret, mis lui-même dans un autre coffre, fermé avec un lien de cuir, et elle déposa le tout dans une pièce qui contenait les objets de son ménage et qu'elle scella. Lorsque Ouserrê revint des champs, Redjedet lui conta cette histoire. Alors le coeur de Ouserrê fut joyeux, grandement. Et ils se reposèrent, après ce jour heureux.

Trois jours après cet événement, une dispute s'éleva entre Redjedet et la servante, et Redjedet fit punir celle-ci en la frappant. Alors la servante dit aux gens de la maison : « Peut-elle faire cela, cela, alors qu'elle a mis au monde trois rois ? Je vais aller le dire à la Majesté du roi de Haute et Basse Egypte, Kheops, Juste-de-Voix. » Elle se hâta alors ; mais elle rencontra son frère utérin en train de lier une botte de lin sur l'aire ; celui-ci lui dit : « Où as-tu à faire, petite fille ? » Elle lui rapporta alors l'histoire, et le frère lui dit : « Venir devant moi, ainsi, est-ce chose à faire, comme si j'avais à me mêler de ces propos ? » Il se saisit d'une botte de lin et lui porta un mauvais coup ; la servante se hâta afin d'aller chercher pour elle une écuelle d'eau, mais un crocodile la happa. Cependant le frère se dépêchait afin de raconter cela à Redjedet ; il la trouva assise, la tête sur les genoux, le coeur triste, extrêmement ; il lui dit : « Ma noble dame, pourquoi es-tu de cette humeur ? » Elle lui dit : « C'est cette petite, qui avait grandi dans la maison, voilà qu'elle est partie en disant : je vais dénoncer. » Alors il inclina la tête et dit : « Ma noble dame, elle s'est arrêtée en chemin pour me parler... auprès de moi ; je lui ai porté un mauvais coup, elle est partie alors pour puiser un peu d'eau, lorsqu'un crocodile l'a happée. »

 

 

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